PRESENTATION DES CHANTIERS


Mémoires des Chantiers de création théâtrale











Le chantier que nous organisons était un rendez-vous qui avait lieu en moyenne une fois par an, en été.
Les lieux de travail étaient toujours différents, suggestifs, ainsi que l’était le groupe de travail.

Acteurs et actrices, danseuses et danseurs, marionnettistes, chanteurs et musiciens, photographes, conteurs, etc., nous nous réunissions, décidé.e.s à faire une expérience dense et intensive, et pour partager nos sueurs, nos doutes et nos réussites avec d'autres professionnels du spectacle vivant.
Jeunes, vieux, professionnels mais toujours débutants face à nos challenges inconnus, nous avons créé un sas de recherche d’une grande liberté parmi les nombreuses contraintes que nous nous imposions afin de nous re-former et remettre en question nos pratiques de travail.

Nous avons donné le jour aux prémisses de ce que nous appelions « l’alchimie corps-texte ».

Une sorte d’exercice idéal pour l’acteur fondé sur l’interdépendance du geste et de la parole.

Une forme idéale de la représentation que l’on poursuivait, un fantôme qu’on essayait d’atteindre.

Nous avons trouvé d’autres chemins pour aller vers les émotions, les vagues, les couleurs et les diables qui vivent dans les détails et l’énergie qui vient après l’épuisement.

Nous avons défini la différence entre la sincérité et la vérité du jeu.

Nous avons cassé les règles, nous les avons rebâties pour les détruire encore.

Quand nous nous croyons au but de quelque chose notre devise était celle de Beckett : « encore un millimètre avant la fin ».



Nous explorions les dynamiques de création collective afin de créer dans des temps de plus en plus réduits sans se priver de la phase d’exploration, aboutir à une création collective et la représenter au bout de dix jours. Pour que l’enjeu soit de taille on l’appelait « le plus grand spectacle du monde ».


Les chantiers nous demandaient d’être dans une disponibilité et un engagement professionnel sans faille.

Proches de l’effort nous étions loin de la souffrance.



Nous avons mûri la conviction que le phénomène de la création d’une œuvre ne pouvait se produire que lorsque deux éléments ou deux corps entrent en relation, en communication entre eux.

Deux choses inconnues et imprévues.

Que plus deux concepts sont distants, plus ils révéleront un impact poétique.

Ce qui nous intéressait en premier lieu, c’était de perfectionner une pratique de l’interprète et une stratégie qui, telle une porte entre nous et les « choses du monde », nous ouvrirait le passage vers un domaine suspendu, un observatoire d’où considérer la création. Un jardin, à la fois éloigné et proche des choses du monde. Suffisamment éloigné pour qu’on puisse les observer, les repenser, découvrant ce qui leur est commun et s’en dégage, et suffisamment proche pour que l’on puisse encore les toucher et les transformer en un objet théâtral concret. De cette manière nous désirions créer à partir de toutes les « choses » avec lesquelles notre corps se relationnait, quelle que soit leur nature, et les travailler en utilisant toutes nos capacités d’expression et d’analyse.



Nous avons développé des centaines de stratégies de création : à partir des objets, des matières, des spectres du texte d’auteur, des vagues émotionnelles, du hasard, de la peinture, de la musique, des partitions, des pliages d’origami, des lignes spatiales, des impulsions physiques, des élans, des autres, de la nature et des mouvements des astres etc, et j’en omets tellement..

Nous jouions sans cesse, faisant de ces stratégies la condition sine qua non de la pratique du métier, de l’art de la représentation.



Nous savions désormais que la création d’une œuvre ne pouvait dépendre uniquement de la richesse de notre univers intérieur, car celui-ci se serait plus ou moins vite épuisé, pour le moins répété.



Ainsi à chaque chantier nous acceptions la contrainte de nous mesurer à une écriture, voire à un style différent.



Novarina, Bernard Noël, les contes de Jean-Claude Carrière, Michaux, les récits des voyages de l’espérance…accompagnaient nos explorations.



Il aurait pu être facile d’errer dans l’intellectualisme ou l’abstraction, mais afin que notre travail ne se perde pas dans la complaisance, nous veillions à garder à l’esprit que notre but était de donner du sens aux actions, les rendre concrètes, lisibles, dans l’intention d’inviter le spectateur à y assister. .



J’ai eu la chance de diriger ce projet et j’écris tout cela pour rendre hommage à toute l’énergie déployée durant ces quinze dernières années par ceux qui sont désormais mes chers ami(e)s et collègues.

Pour remercier les dizaines d’interprètes et collaborateurs qui ont participé à l’aventure des « Chantiers de la création théâtrale » et qui portent en eux et dans leur pratique les traces de cette expérience.



« Or, tout existe, tout va, tout revient, la roue de l'existence tourne éternellement. (...) autour de chaque "ici" gravite la sphère là-bas » écrit Nietzsche, « rien ne peut s’inventer à moins d’y croire ». C’est ainsi que nous inventons, à chaque fois, notre jardin.



Je continue, je brûle la maison des « Chantiers » pour ouvrir un autre champ d’exploration :

LA PHILOSOPHIE DES ACTIONS.

 


 
 
 
 
 
 
 
Fabio Ezechiele SFORZINI
 
 

 

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